Confronter le passé (solo)

juillet 23

Onii-chan ?
Pourquoi tu n'es plus là ?
Pourquoi tu n'es plus là pour moi ?

Tu te réveilles en sursaut, dans l'obscurité de ta chambre. Le corps en sueur, les cheveux collés sur ton front. Ta poitrine se soulève à un rythme beaucoup trop rapide, ton coeur cognant à un rythme effréné, aidant tes poumons à capter un oxygène qui te semble insuffisant. Onii-chan. Son visage encore flottant devant tes paupières, ses grands yeux noirs t'observant d'un air ... paisible ? Son sourire rassurant, pouvant se montrer taquin lorsqu'il te grattait la tête, comme à chaque fois que tu l'embêtais ? Pourquoi je pense à lui maintenant ? Sa présence ne te quittant jamais vraiment, tes prières silencieuses que tu lui adresses tous les jours. Ses conseils que tu tentes d'imaginer, son approbation que tu cherches constamment.

Pourquoi es-tu parti ce jour là ?
Pourquoi es-tu allé au combat ?

Questions qui te hantent, encore et encore. Tu t'en souviens encore, de son départ. Vêtu de ses habits noirs de combat, sombre présage que tu n'imaginais à l'époque pas. Malgré le sourire sur son visage encore enfantin, malgré la confiance depuis petit cultivée, malgré son talent, tu pouvais voir ses doigts trembler, preuve de l'incertitude installée. Pourtant pour toi, rien ne pouvait lui arriver, à Takeda. Reconnu comme un talentueux combattant, un fier guerrier du clan Uchiha. L'élite des ninjas de Konoha, n'est-ce pas ? Tu as veillé chaque jour, espérant ne pas voir son nom sur les parchemins annonçant les disparus. Jusqu'au jour fatidique. Uchiha Takeda. Mort pendant un affrontement contre une escouade de Kumo. C'est Sorai, son chef d'équipe, qui s'est chargé de l'annonce. Jamais tu n'oublieras ce moment, où effondré, il s'est contenté de te dire quelques mots.

Tu dois devenir fort.
Plus fort que Takeda.

Tu te souviens de lui avoir sauté dessus, le visage déformé par la douleur. D'avoir cherché à le frapper, encore et encore, sans succès. De son regard froid, qu'à l'époque tu croyais indifférent. Si tu avais su, la douleur de Sorai, peut-être te serais-tu montré moins dur. Petit garçon de cinq ans apprenant la mort de son ainé, de son modèle, meilleur ami et confident. Impossible. Comment osait-il insulter la mémoire de ton frère, laissant sous-entendre la faiblesse de Takeda ? Comment osait-il ? Lui, son chef d'équipe, n'avait-il pas failli à son rôle en laissant le genin mourir ? Un membre de son clan ? Si je savais ...

Reprenant peu à peu ton souffle, tu serres le drap jusqu'à que tes doigts en deviennent pâles. Assailli par les souvenirs de Takeda, tu ne remarques même pas les larmes s'écoulant de tes yeux, traçant des sillons humides sur tes joues. Le coeur serré par le chagrin, tu ne peux rester ainsi, le sommeil envolé pour cette nuit. Deuil peut-être pas encore entièrement terminé, l'ombre de ce grand frère planant toujours aau-dessus de ta tête, derrière ton épaule.

Je dois devenir fort.

Paroles gravées dans ton esprit, résolu, tu enfiles tes vêtements sombres, comme pour mieux te faufiler dans la nuit. Attachant ta ceinture de combat, tu te glisses à l'extérieur, enveloppé par la fraicheur de la nuit. Frissonnant quelques secondes, tu restes un instant sur le toit de ta maison, te laissant imprégner du silence du village, à la fois paisible et pesant. Le myocarde encore agité, tu respires profondément sans réussir à apaiser son rythme affolé, alors sans prévenir, tu te lances vers le toit suivant, ne désirant pas être vu dans les rues du village. Le visage désormais fermé, la lune se reflétant sur tes larmes de douleur, tu fonces vers le grand mur. Je fais une connerie, penses-tu en posant tes yeux sur l'imposant dispositif défensif de Konoha. Mais rien ne pourra te dévier de ton but.

Sais-tu seulement que dans l'ombre, une silhouette t'observe ?

Pensais-tu vraiment que les gardes ne te repéreraient pas, en train d'escaler le mur à toute vitesse ? Aveuglé par la colère et la tristesse, contrôlant à peine le flux de chakra au niveau de tes pieds. Les unités de détection aux aguets, trouvant étrange qu'un simple genin cherche à quitter l'enceinte du village au milieu de la nuit. Une mission ? Impossible, Issei ne serait pas envoyé seul à l'extérieur. Deux silhouettes déjà se ruent à tes trousses afin de t'intercepter au sommet. Plus rapides, plus âgés, les deux chûnins, Oiji et Sisae, comptent simplement te renvoyer dans les quartiers de ton clan, et avec un peu de chance, tu ne feras pas d'histoires, leur évitant ainsi un fastidieux et inutile rapport.

Alors qu'ils courent rapidement sur le chemin de ronde au sommet du mur, le duo est arrêté lorsque quelqu'un saute juste devant eux, les stoppant net dans leur élan. Ils reconnaissent rapidement Uchiha Sorai, ce qui les étonne grandement - que fait le jûnin ici en pleine nuit, alors qu'il n'est pas attribué à la garde des murs ? — Sorai qu'est-ce que tu fais ? Nous devons intercepter le genin qui tente de sortir du village sans autorisation. Haussant les épaules d'un air désintéressé, l'Uchiha parle d'une voix calme, presque blasée par la situation. — Il s'agit d'Uchiha Issei. Les deux gardent se regardent en haussant un sourcil, surpris et ne comprenant pas trop ce qui se passe. Si Sorai est au courant de l'identité du fuyard, pourquoi ne l'intercepte-t-il pas ? — Ne vous inquiétez pas, je me charge de lui. Kisae, la kunoichi aux capacités sensorielles, fronce les sourcils, visiblement mécontente de la tournure des événements. — Tu ne comptes pas le ramener chez lui n'est-ce pas Sorai ? Elle connait l'Uchiha depuis de longues années maintenant, l'ayant croisé quelques mois à l'Académie, avant que Sorai, un véritable génie, ne soit promu genin. Si elle l'avait ensuite côtoyé de temps en temps lors de missions, c'est lors de la Deuxième Grande Guerre que Kisae avait pu voir le talent du désormais jûnin à l'oeuvre. — Toujours aussi perspicace, Kisae. Mais ne t'inquiète pas, je ne le laisserai pas aller bien loin, et je veillerai à ce qu'il ne lui arrive rien de trop grave. Son sourire est quelque peu inquiétant, mais après tout, que pourrait-il arriver à Issei si Uchiha Sorai en personne se trouvait dans les parages ? Pas grand chose.

...

Arrivé en haut du mur, tu regardes brièvement à gauche, puis à droite. Étrange, personne ne surveille ? Ignorant tout de la scène s'étant déroulée entre Sorai et les deux chûnins quelques instants plus tôt, ton inquiétude se transforme en un bref instant de quiétude lorsque tu laisses ton regard balayer l'horizon. La forêt s'étend à perte de vue, baignée dans la pâle lueur de la lune, parfaitement ronde, astre céleste témoin de ses larmes, de sa frustration, colère et tristesse.

Peut-elle sentir, comme j'ai mal ?
Est-ce que tu me regardes, de là haut ?

Questions muettes auxquelles tu n'obtiendras aucune réponse, tu le sais. Combien de fois n'as-tu pas adressé tes prières aux cieux, agenouillé devant la tombe de ton frère ? Combien de fois n'as-tu pas attendu un signe que tes paroles étaient écoutées ? Trop souvent. Sans hésitation, tu commences à descendre le mur à la verticale, ton corps maintenu par le chakra à tes pieds.

Ce serait si simple, de te rejoindre.
Simplement tout arrêter, me laisser tomber.
M'écraser, pour pouvoir à nouveau te rencontrer.

Pensées funestes qui assombrissent encore plus ton humeur, tournoyant autour de cette tristesse te serrant la poitrine. Trop-plein d'émotions, mâchoire serrée pour ne pas exploser tandis que le sol se rapproche de plus en plus, jusqu'à que tu n'atterrisse d'une agile pirouette. Sans perdre de temps, tu fonces vers les arbres, la forêt, refuge dans lequel tu comptes t'abriter, le temps d'une nuit, d'une vie. Filant à toute vitesse, tu t'enveloppes dans les bruits de la nature tout en courant à la manière des ninjas, ne donnant aucune attention aux alentours. A ce regard qui t'observe avec étonnement, caché dans son buisson. Aux chouettes qui hululent à ton passage, dérangées par ton apparition soudaine. Au bruissement des feuilles agitées par le léger vent balayant la zone. Insensible, tu ne sembles que ressentir cette boule au creux de ton ventre, ce poing invisible serrant ton coeur, t'empêchant de respirer.

Pourquoi te manque-t-il tellement ce soir ?

Tu ignores combien de temps tu continues à courir, le regard simplement fixé devant toi, sautant parfois quand un obstacle se présente. Une minute ? Deux ? Trente ? Cela t'importe peu, car tu pourras avaler des kilomètres que ça ne changerait rien. Il ne reviendra pas. Chaque fois que cette réalité s'impose à toi, c'est ton coeur qui pourrait exploser sous la douleur, car malgré les années passées, sa présence à tes côtés te manque toujours autant. Son sourire, ses doigts dans tes cheveux. Vos chamailleries aussi, incessantes et pourtant baignées de bienveillance.

Respire Issei, tes poumons à l'agonie, l'impression de feu dans tes jambes. Stoppant ta course, tu t'appuies contre un arbre, ta poitrine se soulevant à un rythme trop élevé à cause de ta course imposée. Il se laisse submerger par ses émotions, constate la silhouette observant la scène d'un peu plus loin, c'est rare chez Issei. Il l'a surveillé de nombreuses fois, présence jamais très lointaine lorsqu'elle se trouve, rarement il est vrai, au village. Sorai, il sait que le petit Uchiha ne se laisse que rarement guider par ses émotions, ses sentiments, ayant sans doute très bien assimilé les enseignements de ses aînés, sur le fait qu'un ninja doit garder la tête froide en toute circonstance.

Comme bien souvent dans les rares moments où tu perds le contrôle, t'as un besoin difficile à expliquer de te défouler. D'épuiser ton corps jusqu'à que ton esprit n'arrive plus à réfléchir. T'avançant au milieu de cette clairière baignée par la lumière de la lune, tu réussis peu à peu à calmer ta respiration, à reprendre le contrôle de ton rythme cardiaque. Soudain, tu tires plusieurs shurikens de ta ceinture, et après avoir activé ton sharingan, tu les lances un à un contre un arbre un peu plus loin - chacun son tour, tes étoiles de fer se plantent avec un bruit mat, qui semble résonner dans le silence de la nuit, dans le tronc rugueux. Chaque lancer est plus sec, comme si ta colère ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure que tes shurikens se figeaient dans l'arbre. Des souvenirs affluent, malgré toi.

Takeda et moi, dans le jardin derrière la maison.
Avec mes shurikens en bois, jouets émoussés à forcer de les lancer.
Onii-chan à mes côtés, en train de rigoler,
Mais qui continue à me montrer comme les lancer,
Comment toucher le mannequin en paille que vous avez sculpté.

— Aïe ! Ta dernière étoile lancée avec trop de colère, geste imprécis qui explique l'entaille au creux de ta main. Le sang carmin qui s'en écoule au fur et à mesure que tu serres ton poing, grognant non pas à cause de la douleur ... comment peux-tu prétendre à égaler Takeda si tu te blesses avec un vulgaire shuriken ? Posant tes yeux rougis par ton dôjutsu sur l'arbre, tu y décolles lentement les shurikens, la mâchoire serrée. Bam. Coup de poing qui s'écrase contre le tronc durci par des années de croissance. Bam, encore. Bague de douleur qui enfle dans tes phalanges fermées, qui se teinte du sang de ta blessure. Rien de grave, mais cette douleur, elle te fait ... du bien ? Difficile à expliquer, ce besoin de ressentir quelque chose, n'importe quoi, qui pourrait te faire oublier Takeda.

Ffff. Ta perception améliorée grâce à ton sharingan, tu sens plus que tu n'entends le projectile qui te file dessus, le bruit d'un kunai fendant l'air assimilé depuis petit. Qui m'attaque ? Tu prends soudainement conscience que tu n'es pas à l'abri derrière les imposants murs de Konoha, qu'ici aucun ninja viendra à ton aide. Tentant de réprimer une vague de panique, tu te lances sur le côté. Trop tard, penses-tu en sentant une vive douleur au visage - le tranchant du kunai laissant une fine balafre sur ta joue. Atterrissant tant bien que mal d'une roulade brouillonne, tu tentes de maitriser l'affolement qui envahi ton coeur. Tes yeux balaient la zone derrière toi, d'où est venu l'arme - un ninja se trouve forcément là, caché dans l'ombre. Fléchissant légèrement les genoux, attrapant ton propre kunai pour te parer à toute attaque, tu t'obliges à respirer calmement. Il faut que je retourne au village, alerte que ton cerveau t'envoie en boucle. Et pourtant tu ne vois personne ...

Les secondes s'égrènent, et pourtant elles te semblent durer des heures. L'air te semble irrespirable, ton corps tendu à l'extrême, car tu sais que le danger est là, quelque part, sans savoir où exactement. Malgré ton sharingan, tu ne descelles rien dans la forêt, de là où est venu le kunai. Calme-toi Issei, ne panique pas. Un ennemi de votre village, si proche de Konoha ? Peu probable. Un brigand ? Non, pas avec un kunai, surtout lancé aussi proprement. Il s'agit forcément d'un shinobi. Cette certitude fait cogner ton coeur plus fort, et tu dois serrer fort le manche de ton kunai pour ne pas laisser tes doigts trembler. En temps normal, tu te serais immédiatement lancé à la recherche de ton agresseur afin de lui faire payer cet affront - mais encore déstabilisé par ton cauchemars, par toutes ces pensées liées à ton frère, tu te sens étonnamment démuni. Tu es seul, avec le bruit des feuillages agités par le vent comme seule compagnie, avec ta solitude pesant sur tes frêles épaules.

— C'est moi que tu cherches ? Ton sang se glace dans tes veines. C'est qui ? Une voix derrière toi, mais alors que tu tentes de te retourner, tu te stoppes en sentant la morsure froide du métal contre ta gorge. Un kunai, remarques-tu en t'immobilisant. Comment est-il arrivé derrière moi ? Il était dans l'arbre ? Trop de questions auxquelles tu ne trouveras pas de réponses tout de suite, devant d'abord te dégager de cette menace. Activant ton sharingan, tu espères que cela suffira à te donner l'avantage. Sauf qu'au moindre mouvement, tu risques de finir la gorge tranchée. — Qui es-tu ? Je dois gagner du temps. Tu peux sentir le souffle de ton agresseur contre ton oreille, son corps à quelques centimètres seulement du tien. Et la lame contre ta gorge t'interdisant de bouger. — La question n'est pas qui je suis. Mais toi, qui es-tu ? Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas la question. Maintenant, hurles-tu mentalement en poussant de toutes tes forces vers l'arrière.

Contre toute attente, tu ne rencontres aucune résistance, comme si ton agresseur c'était tout simplement ... évanoui ? Avant de réapparaitre devant toi, le visage caché par une capuche, sous laquelle tu peux deviner un masque blanc orné de motifs rouges. Un lion ? C'est du moins l'animal qui semble représenté sur le masque, mais tu n'as pas le temps de détailler tout cela, car vous vous lancez dans un échange de taijutsu. Les coups résonnent dans l'air, et malgré ton sharingan, tu as cette étrange impression que tout va trop vite pour toi, peinant à suivre les mouvements de ton adversaire. De plus, c'est comme si il se contentait de parer tes coups avec une aisance déconcertante, sans chercher à t'atteindre. Pourquoi, au fur et à mesure des enchainements, il est clair qu'il aurait pu percer tes défenses plus d'une fois. Il attend quoi ? Puis vient le premier coup, son pied qui s'abat contre tes côtes. Alors que tu es éjecté sur le côté, ton opposant se lance à moitié sur toi, son coude frappant ton dos avec force. — Argh ! Tentant de contrôler tant bien que mal la vague de douleur qui se diffuse des deux points d'impact, tu t'écrases lamentablement au sol, soulevant un petit nuage de poussière. Vais-je mourir ? La sensation de ne pas avoir même pas une seconde pu porter un coup à ton adversaire te fait trembler. De peur ? De colère ? Tu n'en sais rien.

Te tirant sans ménagement par le col, ton adversaire te redresse, t'amenant au niveau de son visage. Seuls ses yeux sont visibles, d'un vert profond, te fixant d'un air sévère. Avec le masque, impossible de reconnaitre ton agresseur, mais tu as cette étrange et désagréable sensation de le connaitre. Soudain, ses pupilles se teignent de rouge, ornées chacune de trois virgules aussi noires que la nuit. Quoi ? Un sharingan à trois tomoes ? — Un Uchiha ? Incrédule, tu tentes de reprendre ton souffle, seules les points de tes pieds touchant le sol. A cause de la douleur vrillant tes côtes et ton dos, et peut-être à cause de la stupéfaction de te retrouver face à un membre de ton clan, tu n'as pas la force de réagir. — Je te l'ai déjà dis une fois Issei ... Comment il connait mon nom ? Ah mais si c'est un Uchiha, c'est logique. Tu ne comprends pas ce qui se passe. Pourquoi un membre de ton propre clan t'attaquerait ? — ... tu dois devenir fort. Alors que la surprise déforme ton visage, il te lance en arrière, seule ton agilité t'empêchant de goûter à nouveau le sol de la clairière.

Suis-je en train de rêver ?
Est-il celui pour lequel mon frère s'est sacrifié ?

Ton corps entiers vibre de surprise, de colère aussi. Ses mots, ils sont gravés dans ta mémoire pour l'éternité, sources de tant de sentiments contradictoires, puissants, usants. Les souvenirs de ce matin funeste où l'on t'avait annoncé la mort de ton frère à la guerre. Tout te revient maintenant. Serrant les poings, balayant la poussière de ton front, essuyant le sang coulant de ta joue tailladée, tu grimaces de colère. Ce type, j'vais avoir sa peau, maintenant. Car tu le connais. — Gôkakyû ! Insufflant ton chakra, tu inspires un grand coup de l'air frais de la nuit, avant de cracher une impressionnante boule de feu. Deux fois plus grand que toi, le projectile file à toute allure contre ton adversaire, qui à cette distance, ne pourra pas esquiver.

Tu esquisses un sourire en voyant l'énorme boule de feu filer à toute allure contre ton adversaire, sachant qu'à cette distance, il ne réussira pas à esquiver. Seule une technique plus puissante pourrait lui permettre de contrecarrer ton Gôkakyû, mais aura-t-il le temps de composer ses mudras ? J'en doute. — Kaisekifû ! Tu n'arrives pas à clairement voir ce qu'il se passe de l'autre côté de ton katon, mais soudain, tu aperçois ... des cendres ? Comme un nuage noir qui entoure ton projectile très rapidement, afind e se solidifier d'un seul coup - la fumée qui s'échappe de l'intérieur de la sphère de cette sorte de pierre volcanique t'indique clairement l'échec de ta technique. Tu trembles intérieurement, car il s'agissait là de ton jutsu le plus puissant, et que dans la colère ayant suivi la découverte de l'identité de l'homme masqué, tu avais infusé plus de chakra que nécessaire dans ton Gôkakyû.

La sphère de pierre noircie s'écrasant à moitié au sol, ton opposant saute dessus, te toisant de haut. La scène a quelque chose de lugubre, une légère bise agitant sa cape, quelques braises encore rougeoyantes éclairement son masque. — Sorai ... Tu murmures le nom de celui qui avait été le chef d'équipe de Takeda. Ce même ninja pour lequel ton frère s'était sacrifié, s'interposant entre son aîné et un fûton l'ayant presque tranché en deux. — Tu ressembles à Takeda ... Je vais le buter, penses-tu en composant des mudras le plus rapidement possible, il va pas s'en sortir ! — Ryûen Hôka ! Expulsant trois têtes de dragon de feu de ta bouche, tu les envoies en direction de Sorai - il est pourtant l'un des Uchiha les plus doués de sa génération, tu devrais savoir que face à lui tes chances sont quasiment nulles. Même ton sharingan ne pourra rien faire face à son dôjutsu orné de trois virgules noires. Il ne pourra pas éternellement esquiver ! Poussant de toutes tes forces sur tes jambes, tu te lances à l'assaut, kunai en main, bien décidé à lui faire sa peau.

Pourquoi ?
Pourquoi je t'en veux à ce point ?

Parce que son rôle était de protéger l'équipe dont il avait la charge, la responsabilité. Parce qu'au fond de toi la douleur causée par la perte de ton frère était encore trop cuisante, malgré tes airs froids et distants, carapace forgée au fur et à mesure des années désormais passées, sans que tu n'arrives toutefois à l'oublier. Son sourire. Son amour. Takeda, pourquoi ? Ton premier pied se pose sur la base du rocher désormais tiède, d'où s'échappe encore un peu de fumée, quand Takeda esquive rapidement ton premier dragon de feu. Trop rapide, constates-tu avec effroi, tandis que Sorai se fraie un chemin sans difficulté apparente jusqu'à toi. Bien décidé à le taillader de ton kunai, tu hoquètes de douleur quand tu sens un éclair douloureux te traverser le poignet jusqu'au coude, et que d'une habile prise de taijutsu, Sorai te tord le bras, la pointe de ton kunai se plantant légèrement dans ta poitrine, juste à côté de l'épaule. — Argh ! Aucun tendon touché, la blessure est superficielle, mais Sorai maintien la pression. Tu tentes de te dégager, mais le moindre de tes mouvements semble provoquer un écoulement de feu liquide dans ton bras, à l'agonie. Maintenant penché en avant par la prise du jûnin, tu es submergé par une vague d'impuissance, et de colère.

— Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ? Tuer mon frère ne t'a pas suffi ? Un filet de bave s'écoule de tes lèvres, preuve de la douleur qui te tiraille le bras, l'épaule, les côtes. Tu peux sentir Sorai trembler légèrement dans sa prise, peut-être touché par tes paroles, par leur sens ? Soudain, tu tombes sur le sol, ton visage s'écrasant sur l'herbe humide. Tu trembles quand ton propre kunai, taché de ton sang, se plante à quelques centimètres seulement de ton visage, ton coeur cognant beaucoup trop fort, affolé, peinant à suivre le rythme. Pourquoi fait-il tout ça ? — Dis encore une fois que j'ai tué Takeda et tu iras le rejoindre. Tu trembles intérieurement, car tu sais, au fond de toi, que l'Uchiha parle sérieusement - et vu la facilité avec laquelle il a annulé ton Gôkakyû, tu n'arrives même pas à mesurer sa puissance. Tu sais pourtant qu'il est considéré comme un génie, et qu'en plus du sharingan à son stade le plus évolué, Sorai est capable de combiner plusieurs affinités pour utiliser le yôton, la redoutable lave. Ou les cendres se transformant en pierre volcanique, comme tu as pu le voir quelques instants plus tôt.

— Alors pourquoi tu fais ça Sorai ? Pourquoi tu m'attaques ? Tu te relèves avec difficulté, te tenant l'épaule. Tout ton bras te fait mal, mais tu ne sens rien de cassé - dans quelques minutes tu pourras bouger, même si douloureusement. La blessure à ta poitrine n'est elle que superficielle, même si ça te fait un mal de chien, le sang s'étant arrêté de couler. Les jambes tremblantes, tu te tiens debout face à ton bourreau, qui lui ne semble même pas épuisé par ce bref combat. Tes réserves de chakra entamées, tu as désormais la certitude que Sorai pourrait en finir avec toi d'un simplement battement de coeur. Tandis qu'il te fixe de ses yeux rougis par le sharingan, face auquel le tien fait pâle figure, le jûnin parle d'une voix ... triste ? — Parce qu'il y a longtemps, j'ai promis quelque chose à quelqu'un à qui je tenais beaucoup. De qui parle-t-il, te demandes-tu tandis que tu l'observe lever les yeux vers la lune. Lorsqu'il ramène son regard sur toi, tu le trouves soudainement plus décidé, comme si ce bref moment d'égarement c'était envolé. — Et parce que tu sais qu'un genin n'a pas le droit de sortir sans permission du village, alors soit tu m'expliques ce que tu faisais, soit je te ramène de force aux gardes des murs. Tu lâches un grognement, tant de douleur que d'ennui, car tu ne souhaites nullement faire preuve d'un rapport qui ne manquerait pas de jeter de l'ombre sur l'honneur de tes parents, et donc du clan tout entier. — J'ai ... Tu résistes à l'envie de baisser les yeux, à fixer tes pieds, à te laisser submerger par la honte. Tu peux sentir les larmes s'agglutiner à tes yeux, les faisant briller plus que nécessaire.

Ne craque pas.
Ne pleure pas devant lui.
Contrôle tes sentiments.
Même si ça fait mal.